Présentation du blog

Auteur depuis la sortie, en 2010, de mon premier livre (recueil de nouvelles intitulé Les Délétères, aux éditions Mon Petit Editeur), je me lance aujourd'hui dans l'aventure de la rédaction de mon premier vrai roman après avoir délaissé certains projets par manque de motivation... Ce blog a pour but de m'obliger à produire plus avec d'avantage de suivi de façon à concrétiser ce second projet littéraire.
Ce que vous pouvez donc lire sur ce blog tient d'avantage de l'écriture automatique, d'un premier jet, du Work In Progress que d'une œuvre finie... Le texte connaîtra sans nul doute un tas de modifications à l'avenir...
Bonne Lecture !

P.S.: A chaque nouveau chapitre publié, je m'impose un thème que j'ai choisi mais vous pourrez m'en proposer quand bon vous semblera (tant que cela restera cohérent avec l'histoire) et je m'impose de la musique... En introduction à chaque article je mettrai donc en évidence le thème (dans le titre) et l'artiste que j'écoute...
P.P.S.: La Photo de présentation de ce blog a été prise par M. Vincent RIGAUD pour le site Reims Avant dont vous trouverez un lien ci-contre, vous trouverez la photo originale ICI... Elle a été modifiée par mes soins. Vincent, pardon pour la trahison éhontée mais assumée !

vendredi 7 septembre 2012

Chapitre 2 - Des femmes dans la tête ou sur la peau (L'inconnue)

Musique : Alain Bashung, Fantaisie Militaire, L'Imprudence et Bleu Pétrole ; Antony and the Johnsons, Cut the World ; plusieurs titres de Samuel Réhault.

Solveig finit par repousser le jeune homme et par se rhabiller.
-T'es pas dans ce que tu fais, ce matin. Tu fais chier. Je t'ai connu plus entreprenant. J'ai plus de temps à perdre, maintenant, là ! Bravo. Merde, merde et merde !
- Pardon !
- J'm'en cogne ! Je te demandais pas grand chose, bordel !... Je dois aller retrouver Elvis... Passe que deux fois par semaine, ce con. Puis je dois me trimballer toute la bouffe jusqu'à Luton pour retourner finalement à la Cave. Puis je suis pas prête de ressortir, après ça ! Tu gonfles, sérieux !"
La jeune femme partit retrouver, à quelques mètres de là, rue Voltaire, une sorte de brouette aux allures de baignoire sur skateboards tandis qu'Elyas tente de la suivre tant bien que mal. Ce satané pied droit avait décidé d'éveiller à nouveau ces douleurs persistantes qui l'avaient laissé tranquille depuis ses hurlements matinaux. Puis Elyas tiqua :
- Qu'est-ce que tu vas foutre à Luton ?
- Xian est de passage, d'après ce qu'on m'a dit.
- Xian... La dealeuse ?
- Tu connais beaucoup de gonzesse au nom chinetoque dans la région, débile ?!
- Je connais pas vraiment Xian. J'en ai juste entendu parlé... Elle est comment ?
- Qu'est-ce ça peut te faire ? C'est une bridée, point !
- Depuis quand tu parles comme une connasse, s'te plaît ?
- Depuis que je viens te voir pour que tu me fasses jouir trois minutes, histoire d'oublier la merde dans laquelle je passe ma vie et, qu'au final, je me retrouve à tenter d'exciter un bande-mou ! Pourtant, quand on voit le bout de bois qui te pousse dessus on pense trouver quelque chose de plus durail, mais bon..."
Elyas ne trouva pas de répartie. Quand on s'attaque à son arbre, il ne sait jamais quoi dire. Il n'arrive toujours pas à prendre du recul avec cette transformation immuable. Il a l'impression d'être comme ces accidentés qui doivent accepter une condition nouvelle d'handicapé.  Il n'a pas encore passé suffisamment de caps psychologiques pour se permettre d'en rire, du moins c'est ce qu'il se dit pour trouver des excuses à sa lâcheté.
Solveig, en quelques mouvements maladroitement habituels, s'est arnachée d'un ingénieux système de tractage la faisant ainsi se muer en une sorte de bourrique humanoïde. En mettant à sa bouche une tablette de gomme à mâcher, elle ressemblait d'avantage à une ruminante frêle et décidée. Une vache anorexique aux prétentions de taurillon. Elle fit preuve d'une grande efficacité et de rapidité. En à peine deux minutes, elle disparu du champs de vision d'Elyas, s'engouffrant dans une brume orangeâtre vaporeuse, au loin, au bout de la Cours Anatole France, à l'arrière de la Cathédrale, longeant les jardins de Romuald !

Une mauve. C'était donc une mauve, selon Jeanne, cette fleur derrière son oreille. En rentrant dans la bibliothèque, pour pouvoir changer de vêtements, ceux enfilés quelques heures auparavant étant déjà trop humides et odoriférants, il se rend dans la grande salle et déniche un manuel d'herboristerie. C'est une plante qui ne provient pas d'un arbre, comment pourrait-ce être cette fleur ? C'est une fleur aux vertus apaisante surtout utilisés pour les maux de bouche, lui qui ne parle que très peu, quelle ironie ! Aucune information sur le parfum qu'elle peut dégager. Elyas se l'imagine donc. Il aimerait que cela ressemble à la réglisse ou à la mélisse. Il aimerait que cela soit irritant et sucré. Que ça agresse le palais comme les papilles mais que cela soit aussi tellement bon que l'on souhaiterai le garder longtemps, tant en bouche que dans les sinus.
Il aimerait que cette sapidité se rapproche de celle d'une femme, cette femme dont il avait visiter le lit et l'intimité il y a de ça plus de quatre ans et dont il ne se rappelait pas le nom.
Ce n'est pas tant le sexe avec cette femme qui l'a marqué que sa présence. Un truc qui relève presque du mystique. A deux doigts de songer que c'était Dieu, cette fille. Ou peut-être exagère-t-il les faits. Avec le temps, on a fâcheusement tendance à travestir la réalité. Sûrement prend-il cela aussi pour de l'amour, un béguin déchu. Mais un béguin qui reste, qui se tape l'incruste. Une tocade qui ne lâche pas prise, qui reste accroché de toute ses forces à cette ligne étrange qu'est la mémoire d'Elyas. Sûrement aussi que le souvenir de cette femme est tenace parce que c'est la dernière à l'avoir approché quand il était encore normal. Cet arbre, cette écorce épaisse et croissante que devient pas peau, son corps, c'est comme une croute qui empêche sa mémoire de le quitter. L'arbre, c'est un coffre fort. Le trésor qu'il renferme, c'est l'ambre de son souvenir sensoriel. La douceur du corps, les continents idylliques des yeux et de la bouche, les tornades de la voix, le cataclysme des soubresauts post coïtaux, les liqueurs des eaux... Une femme univers, c'est ça que conserve précieusement en son sein l'arbre inqualifiable d'Elyas. Une carte semble tracée à jamais dans sa mémoire, un parchemin sur lequel on trouve un océan de pétrole en guise de chevelure, un désert de sable et de la terre parfumée de cèdre pour le territoire de son ventre, des mines d'opales aux bouts de ses doigts... Une carte en surimpression sur la vue de son quotidien, comme un gaufrage évanescent au jour le jour.
Sur la large tranche en dorure d'une vieille édition des Œuvres complètes d'un poète mort depuis trop longtemps pour sembler important, Elyas croise le reflet de son regard et de ce bourgeon violacé. Faudra bien vivre malgré tout.

Il n'a que trente ans.

lundi 3 septembre 2012

Chapitre 2 - Des Femmes dans la tête ou sur la peau (Solveig)

Musique : Plusieurs titres de Jamie Lidell en lecture aléatoire.

Elyas arriva essoufflé sur le parvis de la Cathédrale, Elyas pris un temps pour retrouver sa respiration habituelle. Son regard se posa indifféremment sur son environnement. Cela a quand bien changé depuis les "Incidents de Décembre", la végétation surtout. Le parvis s'ouvre sur une large rue bordée d'arbres sur des trottoirs anciennement destinés à accueillir des véhicules motorisés. Le genre de trucs qui s'est raréfié avec les années. Ce jour-là, Elyas constate que les arbres ont crevé l'asphalte de toutes parts, qu'ils se sont considérablement développés... A tel point que les feuillages créaient comme une longue allée en arcs boutants d'un autre âge. Des colonies de corbeaux y avaient élu domicile. On se sent perpétuellement observé par une sorte d'Oracle pétrifiant. L'idée ravit Elyas. L'époque ne lui déplaît pas tant que ça, finalement. Puis il a une petite idée de la raison de la venue de Solveig qui lui greffe un sourire discret.
Solveig, c'est une Roedererienne.
Il y a de cela quatre années, certains groupes de gens bien décidés à ne pas quitter le territoire se sont dit qu'ils gagneraient à investir les caves de champagne pour y fonder leur propre communauté. De ce fait, des touristes, des locaux et quelques vagabonds se sont insérés au sein de ces regroupements et fondent désormais des clans souterrains, quasiment troglodytes. Les Piperois, les Mummesques, les Casanoveurs (qui refusent cette appellation, lui préférant les Stuarts, ils n'ont jamais voulu reconnaître le rachat de la cave datant de plus d'une décennie), les Taittingerois, les Clicotiennes (uniquement constitué de femmes qui se sont tournées vers un catholicisme teinté de couleur d'autres cultures)... Les Roedereriens ont pris place près des Terres de chasse, l'ancien parc Léo Lagrange qui s'est étendu de façon incontrôlable en à peine trois ans et qui accueille une faune grandissante. Les Roedereriens sont majoritairement des locaux qui ne se voyaient pas quitter leurs terres ni leurs vignes. Solveig n'est pas une locale. Petite fille d'émigrés originaires de la République Tchèque, elle est arrivée à Reims il y a environ deux ans. Elle est parisienne, en faite. Sa famille est partie en Argentine selon elle. Là où l'un des ses grands-pères avaient acheté une ferme à la fin du vingtième siècle. Elle a été rejetée par son père parce que ces dernières années elle traînait dans des coins pas vraiment clean. Sans vraiment de moyens pour partir durant l'Exode et souvent à la masse à cause des merdes qu'elle pouvait fumer ou s'injecter alors, elle a décidé d'arrêter ses conneries et elle est venue à pied jusqu'à Reims parce qu'on racontait que c'était un des endroits les plus habités du Nord de la France. Elle s'est rapidement faite acceptée chez les Roedereriens parce qu'elle est mignonne, travailleuse et que la tâche de naissance qui s'étant de la bouche à l'échancrure de son corsage ressemble à une feuille de vigne. Les vieux viticulteurs ont pris ça pour un signe à l'époque. Ils ne s'en sont jamais plaint à la connaissance d'Elyas.

-Qu'est-ce tu branles, mec ? Tu t'bouges le fion, bordel ! Tu sais bien que j'ai d'autres affaires sous le coude... Dépèche toi de ramener ta gueule par ici, je dois passer Place des cadavres après. C'est le jour des courses...

Elyas pressa le pas et la suivit jusqu'à une porte cochère bleue de la rue d'Anjou. Solveig était une fille aux goûts d'Elyas. Un fille comme il en draguait souvent à l'époque. Plutôt grande, assez fine, de charmants petits seins qui se profilaient maladroitement sous une vareuse militaire en lambeaux. De grands yeux sombres, un profil de fille caractérielle, des cheveux clairs et courts en bataille. Sa démarche était constamment volontaire. Sa démarche hypnotisa le jeune homme. Face à la porte bleue écaillée, elle se tourna, ouvra sa veste sur un décolté discret mais charmants.

- Perdons pas de temps. J'ai pas jusqu'à demain.
- T'es pas obligé de me parler comme à tes déjections matinales, tu sais. Je suis pas un mauvais garçon...
- Elyas, merde ! Je te fais pas souvent chier. Mais tu sais que quand je viens c'est parce que j'en ai envie... Non ! J'en ai pas envie, d'ailleurs, j'en ai besoin. Ras le bol de voir les vieux alcoolos en jogging à longueur de journées. T'es le seul type un peu convenable du secteur et encore, je me tape une demie heure de marche pour te trouver, alors merde... On va pas jouer la tendresse.
- Ok !

Elyas se pencha vers elle pour l'embrasser. Elle prit le visage du jeune homme entre ses mains et le força à se plier vers le bas de son corps en susurrant un "joue pas au con, p'tain !"

Les cuisses de la jeune femme ont toujours un goût salé, une saveur de Mer Baltique. Du moins c'est comme ça qu'Elyas s'imagine la Mer Baltique. Parce que la peau de Solveig n'a pas le même goût que celle de la fille de décembre. La brune dont il avait quitter la couche avant les "Incidents"... Solveig avait ce parfum de bois de santal et de guimauve grillée très particulier. D'autant plus avec ce sel piquant l’extrémité de sa langue. Solveig est une sucrerie, une douceur dont on connait le côté néfaste pour son bien-être mais qu'il est tellement doux de humer, de toucher, de goûter, d'ingérer, de s'en délecter. Une sucrerie qu'on regrette toujours un peu parce qu'on a succombé à une tentation déplacée.
C'est une fille sans pitié dont les caresses sont tellement rares qu'elles sont reçus comme des trésors. Peu de tendresse. Juste répondre à la nécessité physique, c'est tout ce qu'elle veut. Il ne faut pas espérer plus. Elyas n'attends rien d'elle. Il aimerait juste ne pas être que le type potable avec qui elle s'éveille les sens. Il aimerait la respirer juste une nuit. La respirer comme il l'avait fait avec la femme de décembre... Toucher négligemment sa peau avant de partir à l'aube naissante. Oui, ça, il aimerait... Pouvoir quitter son épiderme aux premiers rayons solaires.

dimanche 2 septembre 2012

Chapitre 2 - Des Femmes dans la tête ou sur la peau (Jeanne)

Musique : Maïa Vidal, God Is My Bike ; Kiss & Drive, My Mood Changes Beyond Aasfard, Demo 2012 & plusieurs titres de Paulette Wright.

Romuald est de dos quand Elyas arrive dans les jardins communautaires que l'homme d'âge mûr dirige.

Romuald était boulanger avant les "Incidents de décembre". Marié à Jeanne depuis des années, ils n'ont jamais eu d'enfant. Jeanne était femme de ménage, enfin un truc comme ça. Le jour où l'annonce d'un exode organisé en urgence a été faite, celui-ci paraissait inconcevable à Romuald. Jeanne était alors enceinte. C'était une grossesse à risque aux vues de son âge, quarante et un ans alors. Du coup, ils sont restés sans penser que la ville, la région, le pays allait se désertifier. Et puis le temps est passé et Jeanne n'a jamais pu mettre l'enfant au monde à terme. C'est un mort né. Ils ont du sortir l'enfant quasiment sans assistance médicale. Le Père Paul-Alexandre, qui avait acquis des rudiments de premiers secours, avait pu faire quelque chose. Ils ont sorti le petit corps du ventre de sa génitrice en pleine Basilique Saint-Remy. Le couple a donné le nom de Francisco à la dépouille. C'était un petit garçon. Jeanne est toujours vêtue de noire ou de gris sombre depuis lors. Puis deux ans environ avant ce matin-là, sept protubérances étrange sont apparues sur les clavicules et les épaules de Romuald. Comme des bosses tachetées de bleu. Elles ont grossi comme des galets ovoïdes pendant environ un mois et un soir, l'une des bosses a crevé.Enfin ce fut d'abord une pellicule de peau qui creva pour laisser place à une sorte de croute fine qui ressemblait à du calcaire poli. Cette croute a finit par se craqueler, se briser puis se dissoudre très lentement pour laisser place à une sorte de poussin. Il s'agissait d’œufs, ces sept bosses étaient des œufs de ce qui semblait être une variété de pigeons déplumé sauf que l'oiseau était comme soudé au corps de Romuald. L'oisillon faisait parti intégrante de l'ancien boulanger. C'était à la fois monstrueux et incroyablement merveilleux. Pour Jeanne, c'était un geste d'une puissance supérieure qui, pour s'excuser d'avoir repris auprès de lui un enfant mort-né, lui offrait la possibilité de s'occuper de forme de bébés. Pour Romuald, ce fut une plaie. Du jour au lendemain, il se trouva difforme et misérablement réduit à l'état d'hippocampe humain. Puis il pris conscience de l'importance de toute la situation aux yeux de son épouse chérie et décida de faire avec. Les sept oisillons éclorent tour à tour. Le couple baptisa chacun des sept pigeons. Devant Dieu s'entend. Le Père Paul-Alexandre accepta de donner le sacrement bien qu'il ai prévenu les "parents" de l'illégitimité de cet acte. Les pigeons se prénomment donc Jakob, Firmin, Anouk, Théophile, Crimo, Ruben et Alistair. C'est Jeanne qui a choisi ces prénoms. Ceux qu'elle aurait rêvé donner à ses hypothétiques rejetons.
Jeanne n'a pas subit de mutations. De toute façon, ils sont rares, les irradiés ayant subi ces transformations. Jeanne a juste un fort potentiel cancéreux. De tâches similaires à des lésions de Kaposi lui recouvrent progressivement le corps. Romuald l'aime comme au premier jour bien que ces oiseaux soient une véritable torture quotidienne. Elyas la considère comme une mère de remplacement. Une qui n'est pas partie. Une pour qui l'idée de l'exil et l'abandon de la chair de sa chair n'a jamais été remise en question.

Quand Elyas n'est plus qu'à quelques pas de Romuald, c'est Ruben, le pigeon au bord de son épaule gauche, qui tourne la tête et averti son maître d'un picotement du bec. Romuald se tourne.
-Ah ! Ely ! Viens par là ! Faut que tu m'aides, c'est trop lourd pour moi.
Romuald suait à grandes coulée dans des vêtements tellement improbables qu'ils ne pouvaient avoir été créés que par son épouse. Une sorte de tunique de coton si épais qu'on aurait dit de la toile de jute, à l'encolure extrêmement large ne recouvrant ainsi ni les épaules musculeuse et dorée du jardinier de fortune ni les sept volatils dont la présence encombrait le dos de leur perchoir jusqu'au bas de l'omoplate. Le vêtement tenait parfaitement grâce à un système de laçage habile. Une ceinture de soutien dorsal noire dépassait de sous la tunique. Il portait un sarouel étrange, tout en morceaux de vieux surplus de l'armée allemande, d'épaisse chaussettes de laine qu'avaient les chasseurs autrefois et à ses pieds de vieilles rangers rafistolées tant bien que mal avec des espadrilles usées. Romuald avait l'air à la fois très rural et relativement distingué. Une distinction décalée s'entend. Lui sembait toujours porter les créations de sa compagne avec un regard plein d'évidence et un peu de fierté.
- Oh ! Gamin ! Tu viens !"
Elyas se rend sur le champs près de Romuald afin de l'aider à soulever un bidon métallique plein d'une eau entre le rouge rouille et le vert moisi.
- On va poser ça au milieu, de façon à pouvoir arroser plus facilement. Et puis comme tu vois si tu fais un peu gaffe, je me suis débrouiller pour que ça fasse un système d'irrigation. J'ai fait ça c'te nuit. Jeanne m'a tenu éveillé toute la nuit. Elle avait des douleurs. Du coup, je faisais des allé-retour entre le clocher et ici. Je suis sur les rotules. Je fais ça encore et je vais me pieuter." Elyas répond d'un sourire. "Ben tu causes pas ce matin...
- J'aime pas mon anniversaire.
- Qu'est-ce qu'on en a à foutre ! C'est un jour comme un autre...
- J'aimerai bien. mais en me lavant le visage ce matin regarde ce que j'ai trouvé...
Elyas montra le bourgeon caché derrière son pavillon auditif. Romuald se mit à observer attentivement la petite fleur avec scepticisme. Après une minute d'analyse, il finit par demander au jeune homme de l'accompagner jusqu'au clocher. Ca l'aiderait bien et puis de cette façon il montrerait l'objet de stupéfaction à Jeanne. Elle est plus calée que lui en fleur. Il quittèrent les jardins situés à l'arrière de la Cathédrale Notre Dame de Reims pour se rendre dans l'édifice, passant par l'ancien Palais du Tau, un bâtiment frontalier.

Elyas n'était même plus frappé de la beauté de la beauté des lieux. C'était devenu banal. Les vitraux, les boiseries sculptées lui paraissaient dorénavant aussi typiques qu'un immeuble de béton et de verre ou qu'une usine de métal.

Après avoir grimpé les étroits escaliers jusqu'au clocher Est, sans avoir omis d'assister Romuald dans cette ascension quotidienne, Elyas découvrit une Jeanne chaudement vêtue et au visage constellée de grains de beauté épais. Ses beaux yeux d'un bleu cristallin étaient copieusement cernés. Ses mains tremblottaient.

-Ah ! Fils ! Qu'est-ce qui t'amène ?

Elyas ne dit pas un mot et s'approcha de la femme, se pencha vers elle puis plia son oreille.

- Je comprends... Mmm... Surprenant !
- Qu'est-ce qui est surprenant, mon coeur ? " interrogea amoureusement Romuald.
- La couleur. Je peux pas encore être certaine mais ça me semble être une fleur de la famille des malvacés.
- Est-ce que ça donne des fruits ?" se précipita Elyas.
- Non, du tout. En général, c'est une fleur sans d'autre intérêt que celui d'être décoratif. Mais certaines sont médicinale.
- Tu es sûre. J'veux dire, t'es certaine que cette saloperie peut pas être un arbre fruitier ?
Jeanne eut un rire immédiat, un rire très sonore qui résonna dans toute la tour du clocher. Cela ressemblait à un cri de folie céleste.
- Rassures-toi, Fils. Tu vas pas te faire bouffer du jour au lendemain. Je ne peux pas te dire ce qu'est ton arbre mais je ne pense vraiment pas que tu puisses être un genre de prunier. Au pire des cas, tu pourras m'être utile dans mes décoctions pour faire des bains de bouche...
Romuald explosa d'un rire étourdissant. Elyas baissa la tête pour sourire de honte. Jeanne caressa la joue du jeune homme.
- Bon anniversaire, fils.
Elyas rougit ce qui imposa un silence et une intimité chaleureuse... Rapidement troublé par un cri de femme. On appelait Elyas comme on hélait un gardien de tour de garde. Elyas sorti la tête hors de la tour, eu un mouvement de recul accompagné d'un étrange rictus, jeta un œil complice à ses deux amis, embrassa tendrement la joue de Jeanne puis descendit en criant : "J'arrive, Solveig !"

lundi 27 août 2012

Chapitre 1 - Un matin comme les autres ? (partie 04)

Musique : Damien Rice, O.

Aliocha attend au Starbucks du coin, un latte machiatto caramel fumant à sa gauche. Jeremiah l'a accompagné, une paire de jeans sans forme juste enfilée et sandales de plage aux pieds. Il est au comptoir et patiente pour un café viennois. Il picore déjà une part de tarte aux myrtilles. Il est onze heures et demie et les compagnons de voyage du jeune journaliste ne sont toujours pas arrivés. Il est anxieux. Il gribouille quelques mots sur un calepin à couverture de cuir souple posé à sa gauche. Quand Jeremiah revient à la table, il pose ses consommations en face de celle d'Aliocha, attrape ce dernier par la nuque, l'embrasse à pleine bouche, le lâche et s'installe avec une once d'impertinence dans le regard. Aliocha rougit un peu puis lâche son stylo. Il empoigne son gobelet de café et le sirote au travers d'un couvercle plastique. Il s'impatiente. Il sait bien qu'ils ont le temps, que le vol n'est pas pour tout de suite mais merde ! Qu'est-ce qu'ils foutent, bordel ?
- C'était à prévoir, tu penses pas ?
- Non ! En aucune façon ! Rama est une nana droite. Et ça me fait chier ce retard. On devrait être en route vers l'Aéroport...
Une mélodie rockabilly sortant de sa poche interrompt la crise d'humeur d'Aliocha. Sur l'écran digital du téléphone cellulaire qu'il en sort est écrit "Mike Patterton". Presque un an qu'Aliocha a quitté son poste à CNN et pourtant Mike l'appelait une à deux fois par mois. Patterton est le genre de mec qui aime suivre ses poulains jusqu'au bout. Même lorsqu'ils avaient quitté la rédaction dans un tohu-bohu quasi anarchique foutant un bordel colossal. D'autant plus quand il s'agissait d'un mec aussi intègre qu'Aliocha. Il avait quitté la rédaction de sa chaîne alors que celle-ci promettait un avenir à ce jeune métisse afro-américain. Pour des raisons éthique discutables, selon lui, mais néanmoins notables. Aliocha décrocha, le visage fermé.
-Oui, Patty ?
- Y a bien longtemps que tu ne m'a pas appelé comme ça ! Qu'est devenu ton "M'sieur" des familles ?
- J'en sais rien ! Au fond de mes chaussettes, certainement ! Surtout depuis que tu essais de débaucher mes deux collaborateurs...
- J'ai débauché la peau de mes rouleaux, Alio. Tu aurais juste du te douter qu'un jeune en début de carrière t'aurai lâcher pour moins que ça ! Tout idéaliste qu'on puisse être à vingt balais, entre crevé en terre irradiée et faire des reportages pépères de Montréal au fin fond de la Louisiane, y a pas photo !
- Merci de me confirmer que Sigmund ne viendra pas ! Et puis c'est nouveau, de ton côté, "Alio"... N'importe quoi !
- J'essaie de nouvelles choses, c'est tout !..." S'en suivit un long silence gêné. "Sternberg, tu devrais te faire une raison. C'est dangereux ! Et puis tes suppositions ne reposent sur rien.
- M'sieur, 'scusez mais ferme ta gueule ! Je sais ce que j'avance. Des connections quotidiennes sur un réseau internet supposé abandonné dans cette région reculée de France, ça ne peut venir que d'une communauté de survivants. La WMMFU passe son temps à tromper la planète ! Que tu n'y crois pas, je m'en cogne ! Je te prouverai que je ne suis pas aussi jobar que tu peux le croire.
- Ah ! Sternberg ! Si j'avais eu la tête aussi dure que la tienne... Je ne serai jamais devenu ce que je suis !
- Une merde arriviste ?
- Un homme puissant, pauv' crétin !"

Rama débarque à cet instant même dans le coffee shop. C'est une belle femme à la peau noire ébène, fine et musclée, aux cheveux assez courts, chemisier blanc, mini short en jean, ballerines sports wear et collants épais. Elle est essoufflée et traîne avec vigueur une petite valise et un énorme sac contenant certainement son matériel vidéo. Elle souffle un pardon d'une voix sensuelle. Jeremiah se lève pour lui serrer la main. Rama le déshabille du regard en un clin d'oeil puis sourit avec une assurance étonnante.

- Je dois te laisser, Patty ! J'ai ma cam avec moi, au moins." Ainsi Aliocha conclut sa conversation.
- Dans vingt minutes, tu auras aussi une ingé son. Elle est stagière et peu expérimentée mais elle a le mérite d'avoir plus de tripe que le pétochard de mes couilles !" Ajouta Rama à haute voix, le ton revanchard. On entendit juste un "qui ça?" sortir du cellulaire avant que Aliocha raccroche hardiment.
- Rama, Jeremiah ! Jeremiah, Rama !
- On s'est déjà salués !
- Elle s'appelle comment ? C'est quoi son pedigree et plus important, comment tu as pu dégotter une meuf assez folle pour s'engager avec des inconnus ?
- Elle n'a pas encore finit ses études de journalisme. Elle s'appelle Khadija, elle a 19 ans, elle parle l'anglais, le français et l'arabe, elle vient d'Alaska... bien qu'elle n'ait pas le type de la région..."
Jeremiah ne peut s'empêcher de pouffer de rire. Pas encore l'âge de se prendre une cuite mais assez courageuse pour traverser l'Atlantique et partir à la recherche des fantasmes de son homme, il trouvait cela d'une drôlerie impayable.

Rama commanda un thé noir sans sucre et finit de présenter la remplaçante. Elle avait pris connaissance de l'ambition de la jeune fille le matin même et avait convaincu l'étudiante de tout lâché pour faire un reportage hors du commun du genre qui marquera l'histoire. Jeremiah ricanna durant tout le récit. Aliocha exulta de bonheur et d'impatience.

Quand finalement il fallut partir pour l'aéroport, Rama reçu un appel de la jeune Khadija pour l'informer qu'elle était déjà en train de les attendre, carte d'embarquement et passeport en mains.

Les trois jeune gens embarquèrent donc dans la vieille Chevrolet de Jeremiah et partirent hâtivement pour Montréal.

Le voyage se profile...

jeudi 23 août 2012

Chapitre 1 - Un matin comme les autres ? (partie 03)

Musique : The Smiths - Complete

Y a des matins où l'envie est trop forte. De crier, de courir, de dire merde à tout, de se rouler dans l'herbe, de chanter, de manger le plus de sucre dont on se sent possible, de danser jusqu'à ce que les pieds saignent un peu, de boire jusqu'à ne plus pouvoir sentir son corps, sa tête, ses mots... Des matins où l'envie de jouir, de souffrir, de se sentir vivant, de frôler la mort, de se cogner la tête contre le béton, de se frapper la poitrine au point que la douleur remplace l'idée d'un battement de cœur, que l'envie d'exister rien que pour soi durant juste trois minutes dépasse presque les besoins vitaux de l'être humain.
Pour Elyas, ce matin-là, l'envie était de sortir nu de ce qui était quasiment devenu son chez lui pour crier à s'en déchirer la gorge et puis se branler jusqu'à ne plus pouvoir rien sortir de ses testicules. Un besoin primaire, animal, trop humain... Ceux qui n'ont pas de pénis ne peuvent pas comprendre cette envie adolescente et totalement crétine de se purger de sa semence. Cette nécessité qui relève presque du morbide. A l'heure où il découvre les âfres de l'âge adulte, Elyas se sent le devoir de le faire.
Hurler, d'abord.
Hurler son corps sa nudité ses regrets son absence de regrets sa gueule son arbre ses bras poilus le pourpre foncé des pétales de cette putain de fleur ses jambes ankylosées dés le matin son cul flasque chaque soirs son oreille gauche au lobe double sa tignasse brune incoiffable son odeur son pénis l'odeur de son pénis l'odeur de ses doigts... Hurler jusqu'à avoir mal ! Qui le lui aurait reprocher, de toute façon ? Qui dans cette cité délaissée de partout pourrait trouver quelque chose à redire par rapport à ce besoin de se délester des quelques grammes de ses fringues, des quelques kilos de ses forces, des quelques tonnes de ses ressentiments. Hurler parce que ce jour-là il peut, ça lui était permis... Pas par une loi, pas par autrui, juste par lui. Hurler parce que la bienséance ce matin-là n'avait rien à foutre dans les parage. Hurler parce que putain ça fait un bien fou ! Hurler pour faire se contracter tous ses muscles jusqu'à se sentir inapte à tout autre forme d'activité... Puis malgré toute cette énergie déployer, faire ce qu'il avait prévu. Mais juste une fois, pour l'hygiène. Juste une fois parce que se faire un peu plus de mal ne serait pas plus utile que cela. Juste une fois pour vérifier qu'il y a bien de la chaire sous le bois croissant, dessinant des bas-reliefs incroyablement précis et complexes entre cet épiderme végétale et les chairs tendues de ses muscles tracés au couteau sous la peau aux reflets de miel. Et puis parce que dépasser les trois minutes pour cette activité relèverait de la perte de temps. Même à cette période où le temps est une denrée plus qu'abondante, la branlette était un exercice superflu.

Les quelques gouttes de liquide gluant se postèrent sur l'écorce d'un bouleau, à à peine un mètre de là. Un truc un peu épais et blanchâtre qui sèchera bien vite.

Au moment où Elyas récupère son caleçon d'une époque révolue alors qu'il l'avait laisser sur un buis à l'ampleur extraordinaire, une voix se fait entendre au loin. Une voix d'homme. Grave et à l'accent quotidien.
Elyas ne se retourne pas.
- Ca va bien, Ely ? Un souci de bon matin ou c'est juste une de tes terreurs de l'Aube ? Parce que si tu as besoin d'un remède pour un truc, Mado vient de faire une récolte des herbes qu'elle fait pousser dans le clocher est, ça pause aucun problème...
- C'est bon. Laisse tomber... T'inquiète... J'ai...
- T'as quoi ?", l'interrompit la voix qui s'avéra celle d'un ancien gros fumeur tant elle éraflait violemment l'air.
- J'ai trente ans, aujourd'hui.
- Tu fais chier à foutre les pétoche pour un rien, Ely... Pff ! Quand t'aura un truc sur le dos et que t'auras débander, tu passeras manger un truc avec moi. Et range ton truc qui dépasse. C'est dégueulasse, à c't'heure.
- J'arrive."

Elyas rentra en vitesse et passa une vieille chemise ainsi qu'un bermuda troué, des sandales de plage en plastique jaune transparent et fila prendre son petit déjeuner avec son voisin, Romuald. Le quinquagénaire le voyait un peu comme son fils. Elyas ne se voyait pas de manquer le rencard. Et puis s'il se devait de montrer la nouveauté à quelqu'un, ça devait être à cet ancien boulanger reconverti depuis les incidents de décembre en jardinier herboriste. Il saurait peut-être de quoi cette fleur tenait, avec un espoir furtif pour qu'il ne s'agisse pas des prémices à une fruitaison prochaine...

mardi 21 août 2012

Chapitre 1 - Un matin comme les autres ? (partie 02)

Musique : The Weasel & The Wasters, The Weasel & The Wasters EP.

Les premières lumières du jour parvinrent à Aliocha presque deux heures après son café du saut de lit... Ses insomnies n'y sont pour rien ce matin là. L'excitation du voyage qui se prépare y est pour beaucoup plus. Le soleil est en retard par rapport à lui, ça lui plaît comme idée. Aliocha est le genre de personne qui a besoin de se sentir en avance sur quelque chose pour se sentir bien. Cheveux fraîchement retaillés près du crâne, tricot de peau à manches longues et col déboutonné jusqu'à la naissance de ses pectoraux qui laisse apparaître des poils frisottés, il fait courir son regard sur les dernières nouvelles et sur les ultimes points à vérifier. Tasse de café au lait froid à la main.
Jeremiah, t-shirt crade, caleçon lâche, cheveux en pagaille et barbe épaisse tirant sur le orange vif, venait tout juste de se lever, l'oeil dépité : "Toi, t'as encore dormi peau d'zob cette nuit, j'suis sûr !
- Non, ça va", répondit un Alyocha concentré sur l'écran de son notebook. "Me suis réveillé que trois fois. Mais je pouvais plus resté au lit. J'veux partir en ayant plus rien d'autre à penser.
- C'est à dire...? Tu veux avoir l'esprit libre ? Tu sais que je reste là, moi. Je vais m'en occuper, des trucs casse-burnes...
- Ça je sais, je veux juste revérifier...
- Quoi encore ? Ça fait plus de trois ans que tu penses à ce voyage. Ça fait six mois que tu payes les trois gugus qui vont t'accompagner, juste pour être sûr qu'ils vont pas se débiner à la dernière minute. C'est bon, t'es prêt ! Qu'est-ce tu veux faire de plus ?"
Aliocha eu un long regard pour Jeremiah. Un léger sourire aussi. "C'est aussi parce que tu parles comme un charretier et pour ce bon sens populaire que je sais que je pourrais pas vivre sans toi.
- Tu vas vivre sans moi ! Pendant plus de trois mois.
- Peut-être moins...
- Ou peut-être plus ! Me fait pas chier avec ma façon de parler ou de penser...
- Je t'ai demandé si tu voulais venir avec nous...
- Pour chercher quoi, des leprechauns, des licornes, les ruines de Poudlard ?... Je sais que tu es persuadé de ton truc mais sérieux. Tu vas dans un trou paumé qui daube du fion sévèrement en matière de radioactivité pour trouver les populations qui y vivent encore et tu voudrais que je te prenne pas pour le malade que tu es ! Je t'aime mais faut pas non plus me prendre pour le dernier des connards. T'as conscience que moi j'en dors pas depuis des semaines de ton truc.
- Tu t'endors comme une pierre !" l'interrompit Aliocha, avec un air moqueur à souhait. "'Toutes les nuits j'ai droit au dernier concert de Louis Armstrong en live, c'est une perpétuelle redécouverte...
- D'une, te fous pas de ma gueule. De deux, te fous pas de la gueule du jazz. C'est en parti grâce à ça que je paie une partie de nos factures !
- C'est de l'humour !
- Je sais que c'est de l'humour !.. Tu fais chier !" Finit par lâcher Jeremiah avec un sourire en coin qui faisait mine de ne pas en être un. "Venir avec toi et ton équipe, franchement... Je servirai à quoi. On a dit que je reste ici, je reste ici.
- Toronto, c'est pas le paradis non plus.
- Qui te parle de ça ? Je veux juste pas partir me faire irradié la gueule. Je suis pas fou. Puis c'est pas mal pour un musicien de faire le mec qui souffre de l'absence de l'autre. Puis c'est pas mal pour draguer, aussi.
- Connard.
Jeremiah rit un peu et se penche sur Aliocha pour lui embrasser le front. Petit geste presque paternaliste qui tient de la tradition dans leur couple. Un couple à l'ancienne, qui ne sombre pas dans le mélo, qui se la joue discrète.
L'irlandais part vers la cuisine en se grattant nonchalamment le cul. "Y a encore du café ?
- Bien sûr.
- Tu pars vers quelle heure ?
- D'ici, dans moins d'une heure, j'ai rendez-vous avec Rama et Sig à dix heures et demi. On prend l'avion pour Alger vers quinze heures.
- Rama, c'est la meuf ou le mec ?
- C'est la fille. Sigmund, c'est le preneur de son qui a fait son stage à CNN, y a trois mois.
- Ok !... Pff ! Tu parles d'un voyage. T'es pas arrivé quand même...
- Arrête de gueuler de la cuisine et reviens, j'aime pas parler au vent !" lança finalement Aliocha. Jeremiah reparu dans l'encadrement de la porte du salon où se trouvait son compagnon pour conclure la discussion par un "mouais" sceptique.
Aliocha leva les yeux au ciel.

vendredi 17 août 2012

Chapitre 1 - Un matin comme les autres ? (partie 01)

Musique : Beyond Aasfard, Demo Juillet 2012 .

Quelques rayons de soleil parvinrent au visage d'Elyas, au travers des stores cassés des salles de conférence situées au sous-sol de la bibliothèque Carnégie. Les premiers de la journée. Ceux qui ne manquèrent pas de mettre en éveil tous les sens du jeune homme. Enfin, jeune... Plus autant qu'il le souhaiterait. En ouvrant un oeil, ce matin-là, il sait qu'il ne pourra plus se dire autre chose qu'un homme d'âge moyen. Malgré que le temps, depuis quatre ans, n'a plus vraiment d'intérêt, il sait qu'en se rendant aux toilettes, pour son besoin naturel journalier, il verrait désormais le regard d'un trentenaire. Sortant de son allitation perpétuellement provisoire avec quelques difficultés, il parvient à se mettre sur pied en quelques secondes, suffisantes pour se rendre compte que le sol est chaque jour plus douloureux... ou bien peut-être est-ce son pied droit qui s'endolorit davantage à chaque réveil. Il jette un oeil sur cette étrange chambre dans laquelle il a élu domicile il y a 782 jours (une barre de plus à tracer dans l'encadrement de la porte, un coup de couteau habile dans le bois décoratif). Ce temporaire depuis longtemps et étrangement, il lui semble que ça ne va pas changer de si tôt. Un coup de balais et un rien de rangement fera l'affaire pour une autre semaine. Ou deux. Ou sûrement plus, on verra.
Elyas se traîne un peu péniblement jusqu'au cabinet de toilettes autrefois publiques. C'est à trois mètres de là, mais le matin cela se présente toujours comme l'équivalent d'un marathon. Le dos fait souffrir, le cou est raide et ces légers maux de tête nocturnes qui n'en finissent pas.
Enfin arrivé devant le miroir, il tire l'eau fraîche au goût de renfermé, s'en asperge abondamment le visage avant de constater qu'il a toujours cette gueule de lui. Juste avec un an de plus. Probablement avec une ride en plus, une zone qui paraît blanchie dans sa chevelure, du moins éclaircie, une couche supplémentaire d'écorce, un peu de mousse rougeâtre, un ou deux feuilles de moins. Cela fait plus d'un an que ça a commencé à pousser sur lui, que cela fait progressivement parti de sa vie, que cela s'impose. Son arbre prend de l'ampleur. Comme tout le monde, Elyas a deux bras, deux jambes, deux yeux, deux narines. Comme un peu moins de la moitié des gens, il a sa paire de couilles, sa paire de mains et de pieds. Et depuis 387 jours (encore une petite scarification sur son mollet gauche, un truc rituel comme un peuple en Guinée qu'il a pu voir en photo dans un vieux numéro de National Geographic), il a cet arbre né en deux brindilles sur le haut du crâne qui se sont développées en deux belles branches. Un arbre dont l'espèce échappait toujours à Elyas comme un organe inconnu et dont l'utilité lui apparaissait sempiternellement mystérieuse.
Comme chaque matin Elyas scrute les nouvelles imperfections de son corps et de son visage. Avec l'âge, le corps est modifié au quotidien. Parfois en bien, parfois en mal. Mais d'une manière générale, il n'avait pas de quoi se plaindre. Il se trouvais plus de charme qu'à vingt ans. Ses muscles sont plus développés avec une harmonie agréable. Ses traits se sont caractérisés. Il se plaît, c'était déjà pas mal.
Mais devant ce miroir, ce jour-là, il ne vit aucun changement particulier. Aucune modification notable de son état. Cela lui donna le sourire. Sans changement, pas de déception ni de ravissement, juste une stabilité rassurante. Son arbre lui semble presque beau. Jusqu'à ce petit truc, un détail insignifiant. Un machin qui aurait pu lui échapper s'il n'avait eut la mauvaise idée de se frotter derrière les oreilles.
Une vieille habitude de gamin, Elyas aimait frotter son index à l'angle que formait ses oreilles avec son crâne. Cet endroit où l'on trouve toujours une légère odeur de pet de bébé. Un tic un peu régressif qui lui faisait penser que non, il n'était pas totalement un monstre, il était toujours une sorte d'humain.
Derrière son oreille droite, un bouton végétal... Aussitôt, il plie son oreille autant qu'il pu afin de voir ce dont il s'agit. Après quelques secondes de démantibulassions en tous genres, il parvient à le voir : un bourgeon avec à son extrémité une couleur proche du zinzolin.
Cette couleur il la connait. Dans l'une de ses vies d'avant, il avait peint les chambres privées d'une boîte libertine dans cette couleur.
Une fleur.
Une fleur pour ses trente ans. Drôle de cadeau de la nature.. ou des "incidents de décembre" pour son anniversaire.

Le sourire chute. Le regard baisse. Une journée de plus...